9 juin 2018

On s'était dit "rendez-vous dans 10 ans"



Vous avez le droit de lire cet article en chantonnant avec la voix de Patrick Bruel. Si vous ne 
connaissez pas la chanson, Google est votre ami. 



En réalité, l’article ne parle pas de Patrick Bruel. J’entends d’ici votre ouf de soulagement. Je me suis rendue compte il y a quelques jours alors que les élèves camerounais composaient pour le baccalauréat que le mien fête cette année ses dix ans. Rien qu’à l’écrire, ça me parait énorme. 

Il y a dix ans, j’étais une jeune demoiselle un peu imbue de sa personne qui vivait la meilleure partie de sa vie. Je m’affranchissais de l’autorité parentale en sortant en douce. J’avais d’ailleurs écrit un article sur mon ancien blog sur les choses a faire ou pas pour « pigeon » (sortir en cachette ndlr). Je me croyais invincible et irrésistible. Après mon premier chagrin amoureux, je me voulais sans cœur. Facebook ne cesse d’ailleurs de me faire honte en me rappelant les statuts très sombres que j’écrivais à cette époque. Le baccalauréat, c’était la fin de l’uniforme scolaire. J’ai mis mon premier tissage. Je me suis fait un deuxième piercing dans chaque oreille. J’avais ma bande avec qui on écumait le safari, la sanza, le djeuga. Des soirées entre filles dont je garde de superbes souvenirs.

Beaucoup sont partis après le bac. Canada, France, Suisse, États-Unis.... On s’était donnés des rendez-vous hypothétiques. Les Jo de Londres. Les étés au Cameroun. La semaine de vacances à new-york. On pensait vraiment que c’était le début de la fast life, qu’on voyagerait, ferait les filles et vivrait comme les actrices de sex and the city. Un étudiant, c’est pauvre. Un étudiant, ça fait rarement toutes les choses qu’il veut surtout à l’étranger avec papa et maman qui travaillent dur pour convertir le cfa en devises étrangères. Les premières années, on se retrouve, on prend les mêmes et on recommence. Ensuite, les écarts se creusent selon les pays et les distances.

Dix ans plus tard, certaines sont mariées et mères de famille. D’autres sont à fond dans l’accomplissement de leur carrière. On ne se parle plus tous les jours et il est loin le temps où j’enregistrais des numéros « le keur de mw » par ici « chewi de mw ». Je ne peux plus passer deux heures sur Skype ou au téléphone. On a eu nos hauts et nos bas et peu de parcours ont été linéaires. Je suis contente de voir cette amie qui a privilégié son mariage et ses enfants retourner terminer son master. Je suis contente de recevoir un cadeau avec la carte d’une amie senior dans une grande boîte. Quid de cette amie qui n’avait pas eu le bac cette année-là mais bosse aujourd’hui pour une des plus grosses organisations mondiales. Certaines se battent encore dont moi (je vous raconterai mes déboires avec les employeurs camerounais quand j’aurais signé) mais le bonheur de voir des gens avec qui on a grandi s’épanouir, c’est aussi ça nos petites victoires.

Il y a dix ans si on m’avait demandé où je serai aujourd’hui, j’aurais répondu « mariée, mère de deux enfants, enceinte du troisième, un super boulot, des soirées entre copines » le tout au Cameroun. J’en ris parce que la réalité frappe et elle frappe fort. Qui donne un super boulot avec plein d’avancées à quelqu’un qui a des enfants en bas âge? Pourquoi se marier à moins de 25 ans quand on se cherche soi-même? Les copines? Les distances se créent mais une leçon que j’ai apprises de mes années de grosse déprime, c’est que jamais amitié ne se conjugue au passé. On grandit a distance mais il ne faut jamais oublier les gens qui vous ont vu évoluer et surtout qui vous ont supporté quand vous vous croyiez trop bien pour le reste du monde.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Dites moi tout. Qu'avez-vous pensé de cette may-sitation?