31 juil. 2015

Femme africaine

Aujourd'hui, c'est la journée de la femme africaine. Quand Grâce m'a écrit pour me parler de son projet pour cette journée, certes, j'ai été honorée mais je me suis demandé quel apport je pouvais bien avoir pour une telle célébration. Avouez-le, quand on vous dit "femme africaine", vous pensez peau d'ébène, rondeurs assumées, imprimés tribaux. Je pense à la femme forte qui va au champ avec son bébé sur le dos. J'entends Senghor déclamer "femme nue, femme noire". Je pense qu'il n'y a nul besoin de préciser que je suis très peu concernée par tout ça. Je suis certes noire mais je n'ai ni les rondeurs de la maman accueillante, ni les traits fins et la grâce de ces mannequins africaines célèbres. Je n'ai pas la force mentale de celles là qui nourrissent le monde dans la pauvreté totale. Et pourtant, je suis bel et bien une femme africaine.




J'ai 23 ans, bientôt 24. J'ai vécu les 18 premières années de ma vie sur mon continent. Autant dire que la personne que je suis aujourd'hui a beaucoup à voir avec l'éducation que j'ai reçue chez moi, au Cameroun. Les bases de ma vie y sont posées mais je me suis réellement découverte en tant que personne indépendante du cordon ombilical sur le continent européen. C'est ici que l'adulescente que je suis apprend à devenir une femme.


Je ne parle pas ma langue ni aucune autre langue africaine (Parce que non, ça n'existe pas l'africain). C'est l'un de mes plus grands regrets et pourtant force est de constater que nous sommes nombreuses (et nombreux) de ma génération dans cette situation. J'ai cuisiné pour la première fois des mets traditionnels de chez moi en France, par nostalgie. J'ai les cheveux défrisés, non pas pour ressembler à ceux des caucasiens mais parce que cela me semble pratique. Tout comme mes longues tresses ne reflètent en rien un repli identitaire mais un souci d'esthétique (et surtout ça me permet d'éviter le peigne pendant 2 à 3 semaines). Mon attrait pour les tissus et imprimés africains ne s'arrête qu'à quelques accessoires et objets de déco que je convoite. Et pourtant, je suis une femme africaine.



Il n'y a pas UNE femme africaine. Il n'y a pas de manuel d'uniformisation des personnes. C'est autant la maman qui est au champ que la vice-présidente  de la banque mondiale. C'est autant la femme qui supporte les infidélités de son homme que celle qui demande le divorce. C'est autant la femme qui supporte les coups sans broncher qur celle qui sombre dans la déprime. C'est autant celle qui attend la nuit tombée pour dévoiler le baya (chaîne de perles) qu'elle met autour de sa taille et cache sous son kaba que celle qui dévoile fièrement sa chaîne de taille qui dépasse de son taille-basse.

J'ai commencé les may-sitations pour extérioriser, pour apprendre à mieux me connaître, pour que ça me serve de carnet de bord sur la route qui me fait devenir femme. J'ai à cœur les valeurs africaines que mes parents m'ont inculquée mais ça ne m'empêche pas de m'insérer dans le monde. Je regarde d'un mauvais œil ceux qui veulent tout régir, contrôler et estiment que Parce que x ou y, certaines sont moins africaines, qu'elles sont vendues. On a toutes un rôle à jouer dans l'échiquier de l'Afrique qui se construit. Chaque jour, en écrivant sur inspire Afrika, je me rends compte que les grandes dames ne sont pas seulement derrière les grands hommes mais qu'elles peuvent jouer des rôles plus grands.

Femme nue, femme noire,
Il semble loin le poème de Senghor mais il est toujours autant d'actualité. Il célèbre cet attachement qu'on a toutes pour notre chère Afrique au delà de nos différences. C'est peut-être cela, être une femme africaine, plus qu'un continent de naissance, un sentiment d'appartenance, un attachement.

En cette journée de la femme africaine, je souhaite qu'au delà de leurs salles de conférence, les femmes africaines de pouvoir soient solidaires de celles qui ont fait le choix de la terre, pas seulement en votant des budgets et allouant des donations mais surtout en achetant leurs produits. Que les mères d'aujourd'hui puissent être les exemples de celles de demain. Que celle qui est bardée de diplômes ne regarde pas de haut celle qui lui fournit de quoi manger. Que celle qui a les cheveux crépus arrête de se crêper le chignon avec celle qui les défrise. Que celle qui parle sa langue l'apprenne à celle qui n'a pas eu la chance de le faire plutôt que de se moquer de son occidentalisation. Qu'au delà des stéréotypes, on soit toutes actrices de cette Afrique qu'on rêve meilleure...

Demain, ce ne sera plus la journée de la femme africaine et déjà, on aura oublié la veuve qui subit des rites inhumains sous couvert de tradition, la fille qui est abandonnée à elle-même et ne saura pas éduquer ses enfants, on ne se rappellera du nom d'aucune conférencière qui nous a édifié sur son brillant parcours. La journée de la femme africaine est une journée comme une autre où certes on nous célèbre, mais une journée comme une autre.




Mon parcours jusqu'aujourd'hui pour devenir la femme (africaine) que j'aspire à être m'a emmenée à rechercher à en savoir plus sur ma culture, ma langue, les plats, l'histoire. Ça m'a appris à aller découvrir l'autre et comprendre comment il a réussi à exporter sa culture. Ça m'a appris qu'il y a des clichés qui vendent une certaine culture et que je préfère ne pas combattre. Tout comme tous les français ne portent pas la marinière et le béret, toutes les femmes africaines ne sont pas rondes aux seins nues mais ça ne me gêne plus de l'entendre dire. J'apprends chaque jour à trouver le juste milieu entre les cultures que je côtoie. J'apprends à montrer aux autres ce qu'est ma culture sans tomber dans le cliché. J'apprends à accepter les différentes femmes africaines que l'on peut être.

Jeune femme sans rondeurs, sans accents, je ne sais pas tenir de houe, je n'ai jamais porté de bébé sur mon dos. Je pleure pour tout. Je danse le bikutsi comme personne. J'aime presqu'autant la blanquette de veau que le koki. Je rêve de visiter mon continent. Je ne m'imagine pas à terme vivre ailleurs. Je n'aime pas l'okok et toutes les autres nourritures impliquant des feuilles baignant dans l'huile rouge sans viande ni obstacles. Un jour, je mettrai tout ça sous forme de vers et écrirai mon poème à la Senghor pour exprimer ma complexité et la fierté d'être une femme africaine.

4 commentaires :

  1. Oula C'est tellement bien dit tu écriras ton histoire à la Senghor. Je suis fatiguée qu'on stigmatise les noires en général la femme africaine doit être un exemple c'est cette femme forte mais qui ne le montre pas toujours.
    Je suis un peu comme toi je ne connais pas mes cultures j n parle aucune de mes deux langues bassa et ewondo.Jai décidé d'apprendre et de m'y mettre . Merci de me faire sentir fière d'être noire d'être moi

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  2. Je pensais avoir commenter ton texte depuis Juillet meuh non, j'étais tellement busy sur la page Facebook de la journée, alors je te redis puisque je l'ai déjà dis en postant ton article, ce texte est MERVEILLEUX, continue d'écrire, c'est que du bonheur !

    CaroLINE

    P.S : j'espère que tu as lu mon article sur le blog de la carterie ?

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  3. Bonsoir Marie-Simone,

    Mieux vaut tard que jamais, me voilà enfin de nouveau apte, et, je suis bien aise de pouvoir te féliciter pour ce texte qui me conforte dans le choix que j'ai fais me permettant de dire que tu as tout d'une reine.... En attendant ton poème, bonne et belle continuation.

    Grace

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