29 mai 2015

La fille de mes parents



Quand j'étais petite, il y avait toujours quelqu'un pour sortir un "tu n'es pas la fille de Monsieur N?" Bien qu'étant ultra-fière de mon père, ça m'énervait. Alors qu'on avait presque tous l'habitude de s'appeler par nos noms de famille, je voulais qu'on m'appelle par mon prénom, quitte à accepter qu'on m'appelle juste Simone ou juste Marie. Je voulais être moi et à l'adolescence, j'ai beaucoup lutté pour me détacher complètement de l'image des autres de ma famille.


Récemment, je suis allée à une cérémonie. On m'a présentée deux à trois fois comme la fille de mon père, la fille de ma mère ou la sœur de l'autre. Bizarrement, je n'en ai pas été offusquée. je n'ai jamais autant été heureuse de ma famille. Arriver dans un milieu et partir avec un bagage positif parce que ceux là qui te précèdent, ceux-là dont tu portes le nom ont marqué positivement des gens.

On passe beaucoup de temps à vouloir se créer une image propre, une personnalité à nous, loin de tout ce que les parents ont voulu forger. Se créer une individualité. Nos parents, bons ou mauvais, sont souvent encombrants quand on atteint un certain âge. On arrête de les admirer et on questionne leurs choix. On voudrait être différents. Et même quand ils restent nos modèles, on voudrait faire mieux qu'eux. On voudrait prouver qu'on peut sans eux.

Lorsque j'ai commencé à écrire pour Inspire Afrika Magazine, la directrice de publication m'a dit qu'il fallait signer mes articles. Je devais arrêter de signer avec mon fameux "Marie Simone N." ou "May-Si N." Je savais déjà qu'il n'était pas très difficile de trouver mon nom entier mais j'avais l'impression de me séparer des autres qui portent le même patronyme. Aujourd'hui, je suis fière que le nom de mes parents (que mes enfants n'auront pas la chance de porter si j'en ai un jour) signe mon travail. L'oeuvre non pas des longues études que je me suis souvent sentie imposer mais plutôt de caractères héréditaires encouragés par les multiples lectures qui m'ont bercée.

J'aurais beau être Mlle N. sur les réseaux sociaux pour qu'on m'appelle par mon prénom, je suis fière d'être la fille de mes parents, je suis fière qu'ils me précèdent, je suis fière des soeurs que j'ai. Et quand bien même, je voudrais les renier, on se ressemble beaucoup trop pour ça.

26 mai 2015

A la poursuite de demain



Qui ne s'est jamais plaint du flux de mauvaises nouvelles que nous distille la télé? On parle sans cesse de guerres, de morts, de famine, de chômage... Rien ne va dans le monde. Récemment, une amie de ma sœur se demandait à quoi bon se battre pour traverser toutes les épreuves de la vie si au final, on sait qu'on va mourir. Demain est incertain mais faisons-nous vraiment quelque chose pour rendre demain meilleur?


Nous sommes assis devant nos télés à se plaindre des mauvaises décisions des politiciens. Nous sommes toujours prêts à la critique. Ce n'est jamais notre faute. De toute façon, l'enfer, c'est les autres. On s'attriste du nombre de catastrophes naturelles mais combien d'entre nous prenons le temps de faire des gestes écologiques simples? Le monde va mal et on l'a accepté. On attend patiemment sa fin.

La bande-annonce du film "à la poursuite de demain" ne présageait en rien ce que j'ai retenu de l'histoire. Pour moi, c'était encore un film plein de science-fiction destiné à nous faire rêver d'un monde futuriste où on s'habille tous en blanc et les voitures volent. Georges Clooney dans un film Disney, j'aurais dû me poser des questions. 

Si certains pourront trouver la morale cucu-gnangan, j'ai particulièrement apprécié. On a tous un rôle même minime à jouer dans la société. On est inter-dépendants. L'effet-papillon. Chaque bonne action est une aide dans les rouages d'un meilleur monde. Chaque rêveur, chaque optimiste rend le monde meilleur.

J'ai perdu mon côté rêveuse et optimiste quelque part dans mes multiples crises existentielles et en sortant du film, je me suis demandée si ce n'était pas la clé pour sortir de la spirale des humeurs changeantes. Espérer, avoir foi en des choses meilleures.

4 mai 2015

Autour de ton cou



Chimamamanda Ngozi Adichie est une auteure nigérianne à succès. Comme une grande partie du monde, je l'ai découverte en entendant son discours féministe en fond de la chanson Flawless de Beyonce. J'ai acheté ce recueil de nouvelles, un peu par curiosité et surtout parce qu'il coûtait moins cher que son très grand succès Americanah. Je n 'ai pas été déçue.


J'ai lu Autour de ton cou dans un contexte international particulier. Des élections au Nigéria, la mort de 149 étudiants sur un campus kényan, les attaques xénophobes en Afrique du Sud. Ma lecture a pris un autre goût. J'ai fait des parallèles (peut-être) improbables.

Quand ce professeur d'université revient sur le campus où il a travaillé pendant longtemps après la guerre du biafra, je me demande à quoi peut ressembler la vie aujourd'hui à Garissa. Quand cette chrétienne se souvient de la musulmane qui l'a aidée à se cacher lors de cette attaque où sa sœur est morte, je me rends compte que l'homme n'apprend rien. On continue de tuer au nom de la religion. La nation arc-en-ciel veut supprimer des couleurs. Des africains sont devenus étrangers chez leurs frères. J'ai peur du monde.

Les histoires s'égrainent comme les perles d'un collier autour de son cou. Cette condition d'américano-nigérianne qui parfois l'étrangle. C'est en quelque sorte une recherche d'identité. Etre une femme. Etre une épouse. S'occidentaliser. Sommes-nous mieux que les autres parce qu'on vit en Occident? Tant d'héroïnes de cette nouvelle ont participé à la fameuse loterie américaine. Il y a tous ceux-là qui, dans la réalité, montent dans des embarcations de fortune pour rejoindre le fameux occident. Ces milliers de gens qui périssent dans les mers et qui alimenteront les conversations de quelques colloques de dirigeants qui ne prennent jamais de décisions. Lorsque le directeur (européen) de l'atelier d'écrivains africains s'érige en maître de ce qui est bien ou pas, de ce qui représente l'Afrique ou pas, je vois les donneurs de leçon, je vois cette histoire que nous n'avons jamais su écrire par nous-même. On se complaît à se plaindre de la surmédiatisation d'un drame plutôt que de l'autre quand on n'arrive même pas nous-même à tenir tête et décider de s'unir, se battre, décider de ce qu'est l'Afrique.

L'auteure nous renvoie très souvent la question de la place de cette femme pour qui le rôle de l'épouse est une parure, un accomplissement. Les marieuses qui jettent des jeunes en pâture à des vieux. Des jeunes qui se jettent en pâture à des vieux pour un peu d'argent, un meilleur train de vie. A travers un couple inter-racial, elle nous montre à quel point nous pouvons voir les mêmes choses, vivre les mêmes choses mais les interpréter différemment. 

La dernière perle, c'est l'histoire de cette femme qui envoie son fils en Amérique parce qu'elle sait que la domination des autres vient des armes qu'ils utilisent. En voulant donner les mêmes armes à son fils, elle lui a appris à être un autre, un autre qui s'éloigne d'elle, de l'Afrique. "Elle en viendrait à établir un lien très clair entre éducation et dignité, entre les faits évidents et tangibles qui sont imprimés dans les livres, et ceux, doux et subtils, qui se déposent dans les âmes." Leçon de vie pour nous qui vivons dans cette société "mondialisée", entre deux cultures. Il y a toutes ces choses que l'on apprend de ceux qui se sont développés plus vite que nous, qui nous accueillent chez eux et toutes ces choses qui doivent être notre essence, notre racine, chez nous.