Histoires de femmes

Chaque année, j'entame un post sur la journée de la femme que je ne termine jamais. Pas que je ne sois pas inspirée mais je ne sais jamais vraiment quel angle prendre. Je voudrais dire à quel point cette journée me semble inutile tant je n'en vois pas les retombées. Habituée aux manifestations de joie et de ferveur des femmes chez moi, c'est toujours marrant de voir à quel point ici, elle semble être effacée.

Je voudrais parler de ces camerounaises qui vont exiger demander à leur mari/conjoint/concubin de leur acheter le pagne (édité pour la JIF par le ministère de la condition féminine chaque année) tout en disant combien elles veulent leur être égales. Elles vont défiler, crier, danser puis retourner au quotidien. Certaines oublieront d'apprendre à leurs filles qu'elles peuvent espérer bien plus qu'un bon mariage. Certaines se feront battre parce qu'ayant trop bu. Certaines retourneront mépriser les autres femmes de leur service. Mais voyez-vous, il y a bien trop d'articles sur le fameux soulevé de Kaba de la Journée Internationale de la Femme alors à quoi bon en écrire un autre.

Cette année, j'ai été particulièrement marquée par la décision du Ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille du Cameroun d'interdire les tenues "indécentes" au Cameroun. Les réactions ont fusé. J'ai moi-même eu une discussion engagée avec ma mère qui pensait que la décision n'était pas mal venue au vu des tenues de plus en plus microscopiques des camerounaises. Quid de l'application? me demandais-je. Qui décide ce qui est indécent ou pas? Comme beaucoup, je me suis demandée s'il n'y avait pas des problèmes plus importants. Je voudrais parler de ces filles qui ne vont pas à l'école, de celles qui subissent l'excision. Je voudrais parler de cette camerounaise qui ne visualise sa réussite que par la poche du futur mari. Je voudrais parler de ces moeurs bien trop libérées au nom de l'égalité. Je voudrais écrire sur cette jeune fille qui n'osera pas choisir une filière "de garçon", sur cette jeune fille intelligente qui ne rêve pas de plus qu'un comptoir de call-box. J'aimerais parler de cette veuve qui sera spoliée de celle qu'on obligera à épouser le successeur de son mari. Quand le seul argument que certains peuvent mettre en faveur d'un ministère, ce sont les mariages collectifs, par où voulez-vous que je commence mon post? Vous débattiez encore de la couture décente du pagne recommandée traitant la Ministre de tous les noms. Ça ne vole pas bien haut, ça se plaint de la décision arbitraire, ça oublie le but de cette journée. Après tout, si vous voulez, on va s'en tenir à cette partie là du débat, qu'on laisse donc la Camerounaise se déshabiller comme le suggérait Ngimbis dans un de ces posts. Peut-être est-ce un acte de foi.

En pensant acte de foi et tenues microscopiques, j'ai pensé aborder le sujet des Femen. Vous savez, ces jeunes femmes toujours en colère, aux seins nus qui sont sensés revendiquer la cause des femmes. Ces femmes là qui rentrent dans des églises les seins nus pour provoquer je ne sais quelle réaction. Ces femmes qui miment des avortements de façon éminemment dégueulasse pour nous prouver que c'est un droit de la femme. Ces femmes qui n'ont rien de la délicatesse de la femme. D'ailleurs n'est-ce pas là une de leurs volontés? Faire oublier cette image de la femme délicate et coquette. Non, je ne me vois pas écrire tout un article sur elles. Je ne leur offrirais pas de tribune sur mon blog. De là à ce que ça crée des vocations dans nos pays, on ne sait jamais.

Toute cette histoire de Femen m'a emmenée à envisager de parler de l'image de la femme aujourd'hui. Cependant, j'ai dû me heurter à deux images complètement différentes. La question de savoir qu'est ce qu'une femme a été posée dans le groupe Kamer sisters (groupe de jeunes femmes camerounaises partageant des conseils et des astuces) et ce qui m'a le plus frappée, c'est que la plupart se voyait d'abord comme mère et épouse avant toute chose. Pour la majorité, être une femme, c'est allier la dimension mère et épouse à la réussite professionnelle. C'est savoir gérer son foyer sans oublier de s'accomplir. Ce n'est pas vraiment la conception de mes congénères occidentales, elles ne mettent pas autant le foyer en avant. Les tâches se partagent de manière égale alors le souci d'être une bonne mère est presque aussi important que celui d'être un bon père. Pas besoin non plus d'être mariée pour avoir un quelconque statut. Elles sont plus axées sur la réussite personnelle, pas forcément professionnelle mais sur la réussite de la personne même, être où je veux être, avec qui je veux être et faire ce que j'aime. Ne sachant pas sous quel angle aborder l'image de la femme en 2014, j'ai abandonné cette idée d'article.

Swaady Martin-Leke

Je voudrais vous parler de Swaady Martin-Leke, de Rebecca Enonchong, d'Olivia Mukam, de Céline Fotso et de tous ces noms de femmes entrepreneures dont j'ai lu les histoires et le travail sur internet. Non, ça ne sert pas qu'à rigoler et copier des devoirs sur wikipedia Internet, ça sert à ça aussi, s'inspirer. Si seulement vous preniez le temps de lire les articles, écouter les hangouts, vous donner le droit de les admirer et de vous en inspirer. Je voudrais vous parler de femmes comme ma mère, 7 enfants, un diplôme d'ingénieur en génie civil, un livre, un emploi gratifiant. Je voudrais vous dire combien je l'admire, elle, plus que toutes. Je voudrais écrire sur de vraies modèles qui se sont faites petit à petit. Je voudrais dire que Rome ne s'est pas faite en un jour, que réussir, ce n'est pas être riche, porter un sac et des chaussures hors de prix, dormir dans des hôtels. Réussir, c'est d'abord un accomplissement personnel. Je voudrais écrire tellement de choses mais que de beaux discours, me lirez-vous? Me comprendrez-vous?

Cette année comme les autres, je n'écrirais pas d'article sur la Journée Internationale de la Femme. Je ne crois pas au concept d'égalité de personnes mais je veux espérer en l'égalité des chances. Si on veut, on peut. Il faudra bousculer des portes, parfois prouver deux fois plus sa valeur. Il faudra surtout se serrer les coudes. Il faudra engager de vraies initiatives pour que l'an prochain, le débat se centre sur les avancées de l'année plutôt que sur la taille de la robe ou sur des seins dénudés.

Joyeuse Journée Internationale de la Femme à celles qui estiment en être!